Recycler la chaleur industrielle : les Hauts de France ne perdent pas le nord
A 25km au nord de Lille, la déchetterie d'Halluin livrera dès fin 2019 la chaleur de son incinération à la Métropole européenne de Lille (Mel). Propriétaire du centre de déchets, la Mel délègue la gestion de ce service public afin de fournir à terme l'équivalent de 60.000 logements, pour près de 65 millions d'euros investis.
Inédite en France par ses dimensions, "cette +autoroute de la chaleur+ ne coûtera pas un centime à la collectivité, grâce aux recettes de la vente d'énergie", assure le vice-président de la Mel en charge de l'énergie, Alain Bézirard ; "ce sont même les habitants qui produisent en partie cette énergie, puisque ce sont leurs déchets qui sont brûlés".
Sur le littoral, la communauté urbaine de Dunkerque va prolonger, d'ici octobre 2020, à 3.000 logements de Grande-Synthe son réseau de chaleur issue des fourneaux d'ArcelorMittal, co-exploité par Engie et Dalkia. Depuis 1982, ArcelorMittal, qui est aussi l'un des premiers sites émetteurs de gaz à effet de serre en France, chauffe l'équivalent de 16.000 logements.
"Nous gagnons peu voire pas d'argent sur ces projets", il s'agit surtout "d'économiser des combustibles, de l'énergie et du CO2", affirme Dominique Pair, responsable du site ArcelorMittal à Dunkerque. La multinationale valorise aussi ses gaz sidérurgiques afin de "produire plus d'électricité que nous n'en consommons".
L'Ademe soutient que "l'entreprise peut réinvestir ces économies dans l'emploi" tandis que les habitants concernés "profitent d'un prix stable et parmi les plus bas des énergies renouvelables". L'Etat, qui finance, exige en outre que "ces projets permettent de pérenniser les sites et leurs emplois", indique Hermine de Freminville.
Refroidir, avec en perspective le réchauffement climatique... l'autre enjeu... "A plus long terme" dans la région, il s'agira d'utiliser cette énergie thermique pour refroidir le bâtiments dans le contexte du réchauffement climatique", insiste-t-elle en citant l'exemple de Saint-Quentin (Aisne). La température moyenne y a augmenté de 1,77°C entre 1955 et 2016, contre 1,36°C sur le globe (hors océans), selon le Centre de ressources du développement durable.
Mais récupérer la chaleur ne se fait pas sans difficultés : éloignement des installations des habitations, complexité technique et interrogations sur la pérennité des sociétés. "Le retour sur investissement prend entre 3 et 5 ans quand la chaleur est récupérée par l'entreprise et de 15 à 20 ans pour la fournir à un réseau collectif".
L’État semble toutefois miser sur la "chaleur fatale". Il a ainsi abondé en janvier le fonds "chaleur renouvelable" de l'Ademe de près de 55%, ce qui représente 307 millions d'euros dédiés en 2019 aux productions de chaleur par récupération. Cette économie circulaire est également soutenue par le Fonds européen de développement régional (Feder).
Pour la programmation pluriannuelle de l'énergie, l'Ademe a proposé en mai à l’État de doubler le nombre de logements raccordés d'ici 2023, et de quintupler le volume de chaleur fatale réemployé d'ici 2028.