Rentabilité des incinérateurs : un frein à la prévention ?
Les journées de l’Ademe "Collectivités, comment maîtriser vos coûts de gestion des déchets ?" ont débuté ce mardi 4 octobre à Paris (voir ici). Profitant de l'occasion et bien décidée à mettre les pieds dans le plat, France Nature Environnement (FNE) rappelle qu’avant la construction de toute infrastructure de traitement (incinérateur, centre d’enfouissement, traitement mécano-biologique...), les collectivités doivent mettre en place des actions de prévention des déchets et évaluer le dimensionnement du projet sur ce gisement réduit. Pourtant, on se retrouve parfois en présence d'infrastructures surdimensionnées qui fonctionnent comme des aspirateurs à déchets. Y'aurait pas comme un problème ?...
Un rapport de la Cour de Comptes, publié le 13 septembre (voir notre exposé), présente plusieurs cas où le gisement de déchets a été nettement surévalué. Par exemple, le PDEDMA (Plan Départemental d’Elimination des Déchets Ménagers et Assimilés) de Savoie prévoyait que l’incinérateur de Chambéry Métropole augmente sa capacité de 92 000 à 136 000 tonnes. La communauté d’agglomération a finalement opté pour une augmentation de la capacité à 115 000 tonnes, celle-ci étant encore trop élevée au regard des besoins du territoire concerné. Le rapport présente également d’autres cas intéressants en la matière, notamment en Haute-Savoie et dans le Var (p. 69 à 72 - voir ici). "L’évaluation du gisement, question cruciale qui conditionne la politique territoriale de gestion des déchets pour plusieurs dizaines d’années, est basée sur des calculs sujets à caution et les associations de protection de l’environnement ont rarement les moyens de réaliser des contre-expertises", souligne FNE.
On le sait, ces grosses unités de traitement ont un coût d'investissement important, sans parler des frais fixes qu'elles engendrent. Il faut donc les faire fonctionner au maximum pour les rentabiliser. Pour ce faire, on note que les collectivités se tournent de plus en plus vers de nouveaux gisements : DAE (Déchets des Activités Economiques), départements limitrophes... FNE dénonce donc un "phénomène d'aspirateur à déchets qui va à l'encontre de la prévention". Selon Penelope Vincent-Sweet, pilote du réseau Déchets de France Nature Environnement, "De nombreux cas similaires à ceux relevés par la Cour des Comptes existent en France. Comme les incinérateurs peinent à remplir leurs fours, les collectivités hésitent à appuyer fortement la prévention par peur de manquer de déchets et de mettre en péril la viabilité financière de leur équipement".
Il semble donc plus que nécessaire de bien réfléchir avant de construire une unité de traitement car il faudra la "nourrir" pendant 20 ou 30 ans. Toujours selon FNE, le tonnage annuel de déchets résiduels ne devrait pas dépasser 150 à 200 kg par habitant, un chiffre tout à fait atteignable avec des efforts de prévention et de recyclage ou même avec une tarification incitative ; certaines collectivités l'ont réduit à une centaine de kg par habitant. Pour Bruno Genty, Président de France Nature Environnement, "Le rapport de la Cour des Comptes montre que le surdimensionnement des infrastructures n’est pas un fantasme des écolos mais un problème sérieux qui coûte cher à la collectivité et nuit à la prévention des déchets, donc à notre environnement".
En rapport avec le sujet, nous vous renvoyons à la lecture de notre article : Les aides publiques allouées à l'incinération font débat.