Russie : ras le bol des décharges et pas assez de recyclage
Selon Greenpeace, au cours des dix dernières années, le volume des déchets en Russie a augmenté de 30%. Seuls 2% de ces déchets sont incinérés et 7% recyclés, tandis que le reste est stocké dans les décharges. Ainsi, dans les environs de Moscou, 24 décharges ont été fermées au cours des cinq dernières années pour cause d'insalubrité manifeste, tandis que 15 autres qui ne sont que d'énormes montagnes puantes à ciel ouvert, continuent à réceptionner des masses de déchets, parfois polluants, et en tout cas jamais triés : elles ne sont équipées ni de technologie de traitement du gaz, ni de système pour capter les lixiviats, reconnait le ministère local de l’Écologie.
Le problème est connu de tous ; il a fait irruption dans le débat public : lorsque les habitants de Balachikha, une ville à six kilomètres à l'ouest de Moscou, ne supportant plus les odeurs d'une décharge Koutchino avoisinante, ont demandé le 15 juin 2017, sa fermeture au président Vladimir Poutine lors d'une cession de question-réponses à la télévision, le chef d’État avait alors assuré qu’il se chargerait du problème. Et le fait est : aussitôt dit, aussitôt fait ; la décharge a été immédiatement fermée.
Depuis lors, au vu de ce succès, les expressions de mécontentement se sont multipliées, parfois avec une virulence inhabituelle dans une Russie où toute vive protestation est le plus souvent accueillie avec fermeté par le pouvoir.
Il faut dire que fin mars, une cinquantaine d'enfants ont dû recevoir une assistance médicale à Volokolamsk (nord-ouest de Moscou), après avoir été intoxiqués par un gaz émanant d'une décharge située à proximité : plusieurs milliers de personnes se sont alors indignées et ont manifesté, pour réclamer sa fermeture. La Russie s'est ensuite adressée aux Pays-Bas en demandant de lui fournir un système pour neutraliser les gaz toxiques, faute de technologie russe efficace dans ce domaine.
Selon les experts, près de 11 millions de tonnes de déchets (soit 16% des déchets du pays) s'accumulent chaque année rien que dans les alentours de Moscou ; le hic étant que "personne ne fait attention au problème tant qu'il n'y a pas une émission de gaz, une fuite d'eau polluée ou un incendie dans une décharge", regrette amèrement AlexeïKisseliov, l'un des responsables de Greenpeace Russie.
Pour remédier partiellement à ce problème hors normes, le gouvernement russe a donc promis la fermeture d'un certain nombre de décharges (c'est à dire éliminer 180 des plus grandes décharges municipales en partenariat avec les Régions qui se verront attribuer des subventions afin de moderniser le traitement des déchets : un décret définit les objectifs nationaux de développement du pays, jusqu’à l’an 2024) et la construction de cinq usines de valorisation énergétique modernes, dont quatre dans la région de Moscou et une à Kazan (sur la Volga), puisque l'objectif est à terme, de mettre fin au stockage, confirme Andreï Chipelov, directeur de la société RT-Invest qui développe le projet. Deux d'entre elles doivent être achevées en 2021 ; situées à Voskressensk, dans le sud-est de Moscou, et à Naro-Fominsk, dans le nord-est.elles disposeraient d'une capacité de 700 000 tonnes de déchets par an et seraient à même de produire chacune 70 mégawatts d'électricité,
Si les travaux doivent commencer prochainement, si ces UVE sont présentées comme étant performantes, la population n' a réservé aucun accueil chaleureux à ces projets, au contraire : actions de protestation et signatures de pétitions se sont multipliées en faveur de la fermeture et de la réhabilitation de ces lieux d'enfouissement, de la construction d'usines de recyclage, mais en opposition à ces projets d'usines d'incinération des déchets... quand bien même il s'agit de mettre en place des technologies sophistiquées développées par le groupe suisso-japonais Hitachi Zosen Inova (qui affiche à son palmarès la construction d'environ 500 incinérateurs dans différents pays, soit un tiers de toutes les usines de ce type dans le monde.