Semardel : 30 ans et 1 « idéefix »

Le 25/09/2014 à 19:39  

Semardel : 30 ans et 1 « idéefix »

Marc Rajade  Maîtriser la gestion des déchets à l’échelle du très vaste territoire de l’Essonne en Ile de France, sans avoir pour autant recours aux entreprises classiques dont c’est le métier… tel était le pari, osé, d’élus de diverses sensibilités. Ainsi, est né, un jour, il y a trente ans cette année, le projet d’entreprise de Semardel… Tel le fameux village Gaulois qui lutte contre l’envahisseur Romain, les tenants de ce modèle à part, montrent et démontrent que l’on peut gérer et traiter les déchets, sans passer par les groupes du secteur privé. Et ils résistent. C’est désormais de notoriété publique…

 

Le groupe Semardel occupe plus de 600 collaborateurs, génère 87 millions d’euros de chiffres d’affaires annuel (2013), valorise les déchets de près d’un million d’habitants (il assure la valorisation du second syndicat de traitement de France), traite 75 000 tonnes de déchets résultant des activités économiques, 60 000 tonnes de déchets ménagers, et prélève 40 000 tonnes annuelles de déchets ménagers recyclables triés. L’actionnariat du groupe se répartit à la faveur du secteur public (72,34%), contre 27,66% pour le privé.

site Sémardel Depuis plusieurs années maintenant, de nombreuses collectivités reprennent la maitrise de la gestion de l’eau , un bien précieux et un bien public ; « elles ne s’en plaignent pas. Mais il est vrai, qu’en matière de traitement et de valorisation des déchets, ce modèle de gestion est plus rare en France, bien que ce soit, aussi, un enjeu public, que de traiter les déchets dans les règles de l’art et à des coûts maîtrisés ».
Afin de se convaincre que c’est possible, que ça fonctionne et que les tenants de cette logique unique en France ne marchent pas sur la tête, il convient de préciser « qu’ailleurs, en Suède, en Allemagne, en Italie et dans d’autres pays encore, les municipalités confient leur gestion à des entreprises comme la nôtre ? Le service s’en trouve optimisé, les coûts réduits pour les habitants, avec la garantie d’un service à la hauteur de ce qui en est attendu »…

centre de tri Sémardel Pour parler de ce modèle atypique, qui fait parfois des envieux et ailleurs des jaloux, nous avons rencontré Marc Rajade, directeur général de Semardel depuis près de 10 ans, un ardent défenseur de ce modèle original qui répond « aux besoins de 150 communes et compte plus de 1 000 entreprise clientes » qui s’empresse de préciser « qu’à l’heure où le secteur des déchets connait des difficultés de financement, Semardel investit pour innover et bâtir de nouvelles unités de valorisation et créer des emplois ». « Partout ou presque, en France, le coût de la gestion des déchets augmente, d’année en année. Contrairement à ce qui se passe ailleurs, nous baissons les prix et assurons la même qualité de service. C’est notre politique d’investissement, notre vision à long terme, et notre expertise à l’échelle d’un très grand territoire qui constitue notre avantage compétitif et nous permet de diminuer nos coûts ».
Le ton est donné…

Qui est membre de Semardel ?

Siredom Le Siredom, second syndicat de traitement des déchets de France, est l’actionnaire principal de la structure. En 1984, on assiste à une forte croissance de la population dans notre région, et donc à une forte croissance de la production de déchets, mais également au démantèlement du département de la Seine et Oise : le syndicat est né de ces contraintes et constats, mais également grâce à l’intelligence d’hommes politiques issus de courants divers (PS, PC et RPR) qui ont su s’entendre et aller de l’avant au nom de l’intérêt général.
Les communes du Siredom sont, elles aussi, actionnaires de Semardel, de la même manière qu’un certain nombre de collectivités qui ne sont pas rattachées au Siredom (Conseil général de l’Essonne et le Siom, syndicat intercommunal des ordures ménagères de la vallée de Chevreuse) ont rejoint le premier groupe et pris des parts dans la société. Cela étant dit, la Caisse des Dépôts et Consignations, la Chambre de Commerce et d’Industrie de l’Essonne et la Société Sorec sont également actionnaires de notre structure. Si la plupart des actions sont détenues par le secteur public, la porte n’est pas fermée au secteur privé : Sémardel est composée d’une quinzaine d’actionnaires, dont une dizaine sont des collectivités …
Au fil du temps, nous avons mis en œuvre ce qui était nécessaire pour apporter une réponse globale au traitement des déchets produits sur le territoire des collectivités actionnaires de la Sémardel et avons investi dans des structures adaptées, afin de construire peu à peu l’édifice, et ce, afin de faire face à l’impressionnante diversité des déchets dont nous héritons et gagner en indépendance.

Quels sont les segments couverts par Semardel aujourd’hui ?
recyclage Au cours de ces trente ans, nous avons progressivement investi afin d’implanter des installations diverses et complémentaires, en vue de traiter un maximum de déchets sur notre territoire, et ce,  dans les règles de l’art, tout en misant sur le recyclage de ce qui peut être recyclé. Nous intervenons aujourd’hui sur l’ensemble de la chaîne de gestion des déchets publics et privés : le groupe est doté en effet, des outils nécessaires au traitement et au recyclage des déchets ménagers et des déchets provenant de l’activité économique et ce pour ce qui touche aux papiers-cartons, plastiques, déchets métalliques et bois notamment avec une capacité de traitement de l’ordre de 240 000 tonnes par an.
L’entité Semaer collecte les déchets ménagers de nombreuses collectivités et les déchets de près d’un millier d’entreprises. Elle est l’un des principaux opérateurs de collecte du sud de l’Ile de France. Semardel, en tant que telle, apporte aux collectivités locales son expérience de la gestion publique des déchets à travers sa filiale Semapro qui sert essentiellement à évaluer les besoins, proposer les solutions les plus adaptées et assurer l’assistance à la maîtrise d’ouvrage, ainsi que la formation et la communication sur la mise en place des nouveaux équipements.
valorisation énergétique des déchetsRetenez par ailleurs que la valorisation énergétique des déchets ménagers n’est pas taboue sur notre territoire, au contraire : Semariv dispose d’une capacité globale de 235 000 tonnes annuelles. Notre UIOM incinère et transforme en électricité les 220 000 tonnes environ d’ordures ménagères des 750 000 personnes habitant sur le territoire du Siredom, auxquelles il convient d’ajouter 35 000 tonnes qui proviennent de la Communauté de communes de Lacq… A la clé, 110 400 mégawatts/heure d’électricité en 2013…
Les déchets végétaux ne manquant pas dans l’Essonne, nous avons constitué Semavert, une filiale qui se consacre aux déchets verts : installée à Vert le Grand, elle transforme en compost tous les déchets végétaux des habitants du Siredom auxquels il convient d’ajouter les déchets produits par les services techniques communaux et d’entreprises spécialisées dans l’entretien des parcs et jardins… Avec une capacité de 40 000 tonnes par an, on couvre les besoins et allégeons d’autant le poids des déchets à éliminer. A la suite de quoi, notre compost, 27 231 tonnes en 2013, qui a obtenu l’Eco-label du fait qu’il répond aux normes les plus strictes, est mis en libre service, dans les 13 déchetteries du Siredom.
Dans cette logique consistant à apporter une réponse globale au traitement des déchets du territoire couvert par Semardel, via le réemploi, le recyclage et la production d’énergie, nous avons investi dans un centre de tri ultra moderne consacré aux bois (voir Semardel investit dans le tri en grande largeur) provenant du sciage, de l’emballage, de l’ameublement ou encore de la construction. Pour ce faire, la plateforme d’accueil et de traitement Semavert a été complètement relookée afin de réceptionner ces quantités supplémentaires de déchets (nous avons traité 22 295 tonnes de bois en 2013), mais aussi de travailler en osmose avec notre nouveau centre de tri automatisé dédié aux déchets d’activités économiques (voir aussi Meubles usagés : l'Essonne "envoie du bois"). Cette nouvelle installation a malheureusement subi un incendie dont on sait avec certitude qu’il est d’origine criminelle(voir Déchets : Un incendie qui fout la trouille) . C’était en mars dernier… L’enquête est en cours.
Il va sans dire que nous ne nous sommes pas dispensés de CSDU (centre de stockage de déchets ultimes) : notre volonté permanente d’assurer notre indépendance nécessitait de disposer d’un exutoire final pour nos déchets ultimes, sans que nous ne soyons contraints de contracter avec des entreprises privées… Nous avons d’ailleurs bénéficié d’une autorisation d’extension récemment (voir Stockage des déchets ultimes : Semardel prépare l'avenir), ce qui nous permet d’envisager l’avenir avec sérénité sur ce point…

Un défi a été relevé, tandis que des promesses semblent avoir été tenues…
Historiquement, on peut dire sans trop d’exagération, qu’un certain nombre d’élus, de bords politiques différents, ont pratiqué un chantage dur, pour faire valoir un droit, celui de faire émerger une autre modèle de traitement des déchets en France : un modèle nous garantissant peu à peu une forme d’autonomie et un modèle qui se déconnecterait de l’idée qui domine, à savoir qu’il faille toujours augmenter les coûts. Ceci reste, encore aujourd’hui, le fondement de l’état d’esprit qui nous anime : « le mieux et le moins cher pour nos concitoyens et du compétitif pour les entreprises » …
Les résultats ont dépassé les objectifs et ce pour une raison principale. Semardel est certes, gouvernée par des élus, mais elle travaille presque comme une entreprise privée, c’est à dire avec des objectifs de résultats. Je dis « presque », parce qu’elle ne distribue aucun dividende à ses actionnaires, quand bien même elle gagne de l’argent.
Nous ne sommes pas là en effet, pour distribuer des dividendes, mais pour ajouter peu à peu des pierres à un édifice solide qui permettra, une fois achevé, de traiter et valoriser tous les déchets de notre territoire via les installations qui sont les nôtres… En d’autres termes, « l’argent provenant du traitement des déchets reste au service des déchets » et sert à aller toujours plus avant dans la performance. Et ça marche !... En 2005, notre capital social était de 800 000 euros ; cette année, tout laisse à penser que très bientôt, nous flirterons avec les 30 millions…
Toujours est-il que la SEM dispose aujourd’hui d’un capital de près de 23 millions d’euros, de 16 millions de trésorerie, ce qui constitue des   garanties sérieuses, dès lors que nous sollicitons un emprunt afin d’investir encore, afin d’ajouter une activité de traitement d’une famille de déchets particulière, à notre escarcelle…
C’est ce modèle que nous portons avec force et passion, même s’il est évident, parce qu’il comporte des aspects révolutionnaires et dérangeants tout à la fois, qu’il ne saurait plaire à tout le monde… Notre intérêt, c’est l’habitant et donc la préservation de sa feuille d’impôts : la fiscalité déchet est, sur le territoire traité par Semardel, stable et non haussière comme un peu partout en France…

Pouvons-nous aborder LE sujet qui fâche souvent, à savoir celui des coûts ?
Chez nous, ce n’est pas vraiment un sujet qui fâche : servir l’intérêt collectif, c’est proposer d’abord et avant tout, une maitrise des coûts. Si en France d’une manière générale, ces derniers ont eu tendance à exploser, la Cour des Comptes ayant rappelé que la hausse moyenne est de l’ordre de +5% par an, chez nous en revanche, ils baissent…
Nos tarifs de traitement des déchets ménagers ont en effet baissé, à tonnages constants, hors TGAP, de l’ordre de 6% entre 2009 et 2012. En 2009, nous avons d’ailleurs investi environ 4 millions d’euros afin d’automatiser le centre de tri des déchets ménagers recyclables. On a pu de la sorte, augmenter les tonnages et la productivité du centre, en passant de 3 à 11 tonnes triées par heure, ce qui nous a permis de réduire les factures adressées au Siredom.
Il faut bien comprendre que notre logique a toujours été basée sur le réinvestissement des bénéfices engrangés, afin de rendre toujours plus performante la gestion de nos déchets grâce à des outils de travail optimisés en permanence. Dans un premier temps, on a donc implanté des installations dédiées, puis nous les avons modernisées, afin de parvenir à l’objectif de l’indépendance vis-à-vis des grands groupes du privé, tout en assurant des coûts acceptables. On ne s’est pas pour autant arrêtés en si bon chemin…
L’étape suivante consistera en effet à reproduire ailleurs en France notre façon de faire, puisqu’elle donne toute satisfaction. Afin d’être mieux armés et de pouvoir proposer notre modèle ailleurs en France, à d’autres collectivités potentiellement intéressées, nous avons récemment signé un partenariat avec une firme publique Allemande, MWV, dont la notoriété n’est plus à démontrer et qui opère avec une philosophie identique à la nôtre. Ce pacte scellé en 2013, a donné naissance à la SEVE (voir Une nouvelle Seve coulera bientôt dans les veines de la valo des déchets), une société franco-allemande de droit français, qui aura pour vocation d’aider des collectivités locales françaises qui souhaitent mettre en place leur indépendance en matière de traitement des déchets, de pouvoir le faire dans des conditions optimales… De la sorte, nous serons à même de proposer des offres communes aux collectivités françaises pour la gestion de leurs incinérateurs (de nombreux marchés prennent fin prochainement et devront être renouvelés), ce qui favorisera le développement de leur production d’énergie alternative...

Si vous deviez participer à un colloque ou à une conférence, ce que vous ne faites quasiment jamais, quel message feriez-vous passer?
Pardonnez mon franc parler, mais pour faire court, un certain nombre de rencontres de ce type servent à brasser de l'air sur l'économie circulaire et beaucoup moins à parler d'économie tout court, avec des économies effectives pour nos concitoyens. Nous avons eu la chance de bénéficier sur notre territoire, au fil de ces trois décennies, d’une communion de vue de nos élus et d’une vision politique sans précédent qui nous permet aujourd’hui de traiter nous-mêmes nos déchets sans provoquer aucune casse sociale, au contraire, puisque nous avons doublé les effectifs depuis 2005. Fort de notre expérience, nous sommes convaincus que le politique doit garder la maîtrise de la gestion des déchets ménagers de son territoire. La libre concurrence régulièrement évoquée ici et là, n’est qu’un discours ; nous ne sommes pas sans ignorer qu’on agace, ce qui est parfois difficile à digérer surtout que certains n’hésitent pas à écorner notre entreprise, qui pourtant fonctionne bien, et ce, à tarif très compétitif. Au demeurant, dès lors que nous répondons à un appel d’offre, nous constatons que notre seule présence dans la compétition engendre une baisse significative sur les prix proposés… Le plan Fnade propose un certain nombre de pistes à mettre en oeuvre moyennant des aides à hauteur de 150 000 euros par salarié du fait de la mutation obligée de ces entreprises vers davantage de recyclage et de production d’énergie découlant du traitement des déchets. Pourquoi pas ? Sauf que nous avons réalisé notre édifice sans subvention aucune… ce qui prouve que c’est possible. Pour ces raisons, j’aurais tendance à conclure en disant à ceux là même que l’on semble déranger, « laissez nous travailler tranquilles». Cela fait trente ans révolus que l’on montre et démontre un certain savoir faire en la matère…