Solvants : entre le marteau et l'enclume
Les produits chimiques ont souvent mauvaise presse du fait de la toxicité d’un certain nombre de procédés et de substances. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles, l’industrie chimique et parachimique investit massivement pour substituer à chaque fois que possible les produits les plus dangereux (et les déchets qu'ils génèrent) souvent il est vrai, sous l’impulsion des réglementations européennes et françaises. Sébastien Taillemite, de la société Alcimed revient sur le cas des solvants qui s'avèrent indispensables dans bien des domaines, dangereux quand même, parfois difficilement substituables pour des raisons techniques… mais dans le collimateur des législateurs...
Les solvants sont des liquides qui ont pour fonction de solubiliser des composés, afin d’en simplifier l’utilisation. Ils sont utilisés dans un grand nombre d’applications, telles que la peinture, les vernis, les colles, les détergents... et servent également à la fabrication des produits phytosanitaires, cosmétiques, pharmaceutiques, et autres. Malheureusement, bon nombre d’entre eux sont irritants, nocifs, toxiques ou inflammables.
La société Alcimed accompagne aujourd’hui les grands groupes européens de la Chimie dans leur réflexion sur les solvants, afin d’anticiper les contraintes réglementaires et de saisir les opportunités qui en découlent, en termes de nouveaux marchés.
En effet, alors que les réglementations cherchent à limiter l’usage des solvants les plus préoccupants, les industriels pour s’y conformer, appliquent l’une des trois solutions suivantes :
La substitution par des solvants moins préoccupants,
L’utilisation de « solvants verts » qui sont des solvants ayant un impact faible sur l’homme et l’environnement,
La mise au point de technologies sans solvant.
La substitution par des solvants moins préoccupants est généralement la voie la plus simple et la moins coûteuse, même si cela n’est pas toujours applicable, en raison de contraintes techniques. En outre, l’émergence de nouvelles réglementations oblige à un changement régulier des solvants, ce qui rend cette voie non pérenne. Par exemple, lorsque le benzène a été interdit, le toluène l’a remplacé. Et aujourd’hui le toluène est substitué par des xylènes ou des solvants oxygénés. Or, il est très probable que d’ici quelques années les xylènes, et certains solvants oxygénés, fassent également l’objet de réglementations. Comme le souligne Sébastien Taillemite, de la société Alcimed, « la substitution des solvants n’étant pas une solution pérenne, les industriels investissent aujourd’hui dans la mise au point d’innovations de rupture : par exemple, l’utilisation de solvants verts, tels que l’eau, ou le passage à des technologies sans solvant ». Les technologies sans solvant, ou avec peu de solvant, s’inscrivent dans une dynamique de croissance forte. Il s’agit par exemple du powder coating, dans le secteur de la peinture automobile ou des colles à haut extrait sec.
Les solvants verts s’inscrivent dans le concept de « chimie verte » et avec le temps, force est de constater que des grands du secteur se sont impliqués. Ainsi, l’allemand BASF utilise pour certains procédés de fabrication des liquides ioniques en lieu et place des solvants traditionnels. Il s’agit notamment du procédé Basil, utilisé pour produire des dérivés du phosphore.
Des acteurs français comme Rhodia sont également engagés dans cette voie. Cependant, les liquides ioniques ne sont pas encore très utilisés et le principal solvant vert, en terme de consommation, reste l’eau. « L’eau est aujourd’hui le solvant de 60% des peintures décoratives en France et de 80% dans les pays nordiques. La transition vers des formulations aqueuses a nécessité un effort important de recherche. Cela étant, qu’on ne se méprenne : elle ne deviendra pas le solvant universel car ses propriétés ne peuvent pas convenir à l’ensemble des applications.
En ce qui concerne les agro-solvants, tels que les esters d’huiles végétales ou les esters d’acides fermentaires, ils sont utilisés aujourd’hui dans des encres pour l’imprimerie, dans des formulations de produits phytosanitaires et également pour des applications de nettoyage de surface dans l’industrie.
Néanmoins, ils ne peuvent pas substituer tous les solvants, pour des raisons techniques et économiques. Beaucoup de travail reste à faire conclut Sébastien Taillemite, « les solvants aqueux ont des parts de marché très importantes dans certains secteurs, néanmoins, l’offre existante de solvants verts ne permet pas de répondre au cahier des charges de toutes les applications. Il faudra donc développer de nouveaux solvants verts ou de nouvelles technologies sans solvant ».