Avoir été sérieusement égratignée parce qu’associée "aux fashions victims" des produits textiles fabriqués en Asie du Sud-Est, n’empêche pas de tisser sa toile dans des domaines complémentaires, et surtout novateurs, pour ce qui touche à la confection de masse. Restauration d’image ou véritable volonté de changer les choses, on ne sait. Toujours est-il que la multinationale suédoise H&M s’associe à Worn Again et au groupe de luxe Lifestyle Kering, afin de participer activement à la mise en oeuvre d'une nouvelle façon d’envisager le recyclage textile, laquelle résulte de plusieurs années de R&D menée par la start up britannique…
Pour accompagner la start-up Worn Again, deux grands noms de la mode qui évoluent dans deux mondes distincts : Lifestyle Kering pour le luxe (Gucci, Saint Laurent, Alexander McQueen, Balenciaga, Brioni, Christopher Kane, McQ, Stella McCartney, Boucheron, pour ne citer que quelques marques), et la multinationale suédoise H&M pour le mass market. Les trois partenaires affichent un objectif : changer, à terme, le mode de production et la façon d’envisager le recyclage des vêtements. Est-ce que cette nouvelle vision de l’avenir deviendra une mode à suivre, ce qui attesterait que ces trois initiateurs soient à l’avant-garde des tendances de demain ? Pour l’heure, on ne sait…
Toujours est-il que selon les parties prenantes, « cette solution devrait permettre de réduire la dépendance du secteur textile au polyester dérivé du pétrole et de fournir une nouvelle source de matières premières à faible impact environnemental pour les fibres et les tissus composés de cellulose ».
Quand on sait que la première résine polyester est née en Suéde (1847), grâce au mélange de glycérine avec de l'acide tartrique (extrait de la lie du vin) concocté par le baron Jöns Jacob Berzelius… on ne peut que constater qu’elle a fait du chemin, mais que la roue tourne…
Il faut dire que le polyester, principalement utilisé dans la fabrication de textiles tels que le Dacron et le Tergal est depuis quelques années déjà, la fibre synthétique la plus utilisée dans le monde (70% des fibres synthétiques produites). Au demeurant, un rapport de Global Industry Analysts estime la consommation mondiale de polyester à un peu plus de 40 millions de tonnes par an (en 2008, nous en étions déjà à 42 millions de tonnes de polyester contre 27 millions de tonnes de coton).
L’an dernier, on aurait consommé, de l’ordre de 65 millions de tonnes de filaments de polyester et de fibres de coton, et ce à l’échelle mondiale, une demande qui ne saurait se réduire du fait de la croissance vertigineuse de la population, mais aussi des tonnages conséquents de vêtements qui sont jetés !
D’autres estimations permettent de penser qu’en 2020, la demande internationale pour ces fibres sera de 90 millions de tonnes … Une tendance haussière qui semble ne pas devoir s’arrêter.
C’est sans compter la volonté de certains entrepreneurs de mettre le pied sur le frein de cette consommation effrénée de polyester et de concevoir l’habillement (dans le cas qui nous occupe), tout simplement autrement : c’est le cas de Worn Again, start-up fondée il y a 10 ans, implantée dans l’Est londonien au Royaume-Uni, qui est animée par la volonté d’éradiquer, purement et simplement, les déchets textiles de l’industrie internationale du textile et de l’habillement, en « s’appuyant sur des technologies conçues selon un modèle de ressource circulaire ». Si dans un premier temps, elle s’est « contentée de valoriser les déchets textiles », en les transformant en nouveaux produits à la valeur plus élevée, elle s’est lancée dès 2007, dans le conseil B2B afin de travailler aux côtés de grandes marques, telles que Virgin Atlantic, Eurostar, Royal Mail, Virgin Balloon Flights, Marks & Spencer, National National Grid et McDonald’s, sur une série de produits nouveaux et de projets « zéro déchet textile ».
C’est précisément pour faire face à une demande croissante de matière et afin de lutter contre les effets pervers du « jeter facile » de tonnages impressionnants, que l'entreprise britannique a mis au point une technologie de recyclage chimique « de textile à textile », qui permet de « séparer et d’extraire le polyester et le coton, des vêtements et textiles anciens ou usagés ». Une fois cette séparation de matière réalisée, il reste à « récupérer le polyester et la cellulose du coton afin de fabriquer de nouveaux textiles », ce qui évidemment limiterait d’autant, dès lors que le process serait rentable, la nécessité pour les producteurs, d’acheter 100% de matières vierges pour confectionner leurs nouveaux tissus.
Selon ses concepteurs, « cette technologie permet de contourner les principales barrières du recyclage ‘de textile à textile’, à savoir la nécessité de décomposer les tissus des vêtements en fibres mélangées, et également, de séparer du polyester et de la cellulose les colorants et autres agents contaminants ». Annoncé aujourd’hui, le procédé entre dans une nouvelle phase de tests de développement : les sociétés H&M et Kering – via sa marque Puma - testeront en avant-première cette technologie, afin d’en vérifier la viabilité à l’échelle industrielle (transformer ces matières premières récupérées, en fil, lequel sera tissé, les tissus étant ensuite teintés, confectionnés sous forme de vêtements haut de gamme ou destinés à une diffusion massive…
Nous avons souhaité poser quelques questions complémentaires, mais à l’heure de publier, personne ne nous a rappelé.