Total : le stockage du CO2 crée la controverse
En présence de Valérie Létard, Secrétaire d’Etat en charge des Technologies vertes et des Négociations sur le Climat, le Groupe a inauguré ce lundi à Lacq (Pyrénées-Atlantiques, 64) le premier pilote européen intégrant la chaîne complète de captage, transport et stockage de dioxyde de carbone. Cette technologie est destinée à contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) des installations industrielles utilisant les combustibles fossiles (fioul, gaz ou charbon) telles que les centrales électriques, les aciéries, cimenteries, raffineries...
Selon le GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Energie et le Climat), le captage et le stockage de CO2 devrait pouvoir s’appliquer à un tiers des émissions de CO2 et à 7 000 installations industrielles dans le monde d’ici à 2050. Le pilote de Lacq représente un investissement de 60 millions d’euros ; il complète les autres actions du Groupe, comme l'amélioration de l’efficacité énergétique des installations et des produits, ainsi que la promotion et développement des énergies renouvelables (EnR).
La technologie du captage du CO2 par oxycombustion mise au point dans les laboratoires d’Air Liquide a été retenue pour ce pilote. L’oxycombustion consiste à remplacer l’air dans une chaudière industrielle par de l’oxygène pur. On obtient en sortie de chaudière des fumées moins abondantes mais très concentrées en CO2 (90%). Le dioxyde de carbone est ensuite acheminé jusqu’au site de stockage géologique de Rousse à 27 km de l’usine de Lacq, par pipeline, puis injecté à 4 500 mètres de profondeur dans cet ancien gisement de gaz.
Sur les 2 prochaines années, cette opération industrielle prévoit de capter et piéger environ 120 000 tonnes de dioxyde de carbone. C’est une quantité de CO2 équivalente à celle rejetée par 40 000 voitures pendant la même période. Le lancement de ce pilote a été précédé par une large consultation des parties prenantes locales. Une période de 3 ans de suivi est prévue à l’issue des 2 années d’injection de CO2.
Attention cependant, tout ne va pas pour le mieux : plusieurs associations de riverains et de défense de l'environnement continuent d'être hostiles au projet. Elles demandent au MEEDDM "de ne pas cautionner un projet absurde qui engage la responsabilité de l’Etat à long terme". Dans une lettre ouverte à Jean-Louis Borloo, France Nature Environnement (FNE) et le Réseau Action climat (RAC), entre autres, estiment que "cette technique ne constitue pas une solution aux enjeux climatiques, mais représente un simple greenwashing de l’image de quelques sociétés pétrolières qui tentent désespérément de faire oublier leur passif environnemental et social".
"Le CO2 est mortel à 5% de concentration dans l’air, et est absolument indétectable et inodore. Total n'a pas réussi à identifier des bio-indicateurs qui pourraient révéler une fuite de ce gaz stocké, l'exercice de sécurité organisé en novembre a été un fiasco total. En outre, les sondes sismiques de fond du puits, sensées avertir en cas de mouvements de terrain, sont aujourd'hui hors service, avant même le démarrage de l'injection", ajoutent les ONG. D'autre part, "le site d’injection du CO2 ne se trouve pas à Lacq mais à Jurançon, sous les fameux vignobles qui risquent, à long terme, une acidification des terrains liée à des remontées du CO2 par les micro-fissures des terrains". De leur côté, les riverains ont déjà déposé un recours devant le Tribunal administratif de Pau. Affaire à suivre...