Tourner la page de l'industrie du XIXème siècle
Michel Trabuc, ancien directeur de la communication de Metaleurop Nord est membre du comité de projet instauré afin d’étudier les issues envisageables à la crise Metaleurop.
Acteur du projet Agora, il revient sur l'histoire du site et nous livre ses souhaits pour l'avenir du site de Noyelles Godault...
Le passé difficile du site de Metaleurop est-il un frein à sa reconversion ?
Nous ne devons pas avoir honte du passé. Ce site porte la marque de plus d’un siècle d’histoire industrielle française, de son savoir-faire, de ses réussites… avec les inconvénients inhérents à toute activité pratiquée dans le contexte de l’époque ; les connaissances en matière de pollution n’avaient rien de comparables avec celles d’aujourd’hui… Par respect pour les hommes qui ont bâti cette histoire industrielle, nous devons en garder un souvenir vivace, et c’est tout le sens de notre projet de conservatoire de la mémoire de l’usine Métaleurop Nord. Pour autant, il faut aussi savoir tourner la page, rompre avec le passé sans l’oublier, pour préparer l’avenir.
Outre les contraintes techniques de la dépollution, quelles difficultés le projet Agora doit-il surmonter ?
La première est sans conteste d’arriver à transformer l’abattement de la population locale en motivation ; au-delà de la catastrophe, réussir à canaliser les énergies en vue de nouveaux objectifs positifs. Le projet Agora s’appuie pour cela sur les relais locaux (collectivités, associations, syndicats…), qui sont nombreux et donc difficiles, parfois à rassembler.
Ensuite, il faudra bien expliquer les nouvelles activités proposées (elles sont souvent méconnues) et faire comprendre les enjeux et le formidable potentiel économique des métiers de l’environnement.
Enfin, à plus court terme, il faut arriver à concilier les intérêts de la région et de ses habitants, incarnés par le projet Agora avec ceux du liquidateur de Métaleurop Nord, pour l’instant enclin à démanteler son exceptionnelle infrastructure sans penser à son utilité à moyen terme.
Comment imaginez-vous le devenir du site ?
L'objectif d'une reconversion (bien) pensée et réussie est de permettre à la région concernée de devenir la vitrine d'un nouveau mode de développement, à la fois économique, social et culturel. De fait, des débouchés durables devront être offerts à une partie des employés de Metaleurop et à la main d'oeuvre locale. En effet, les profils d'emplois exigés par les éco-industries peuvent être comparés à ceux de l'ancienne activité du site. Aussi, il me semble que :
- les activités proposées par d'anciens employés de Metaleurop devront être examinées par les interlocuteurs appropriés, partenaires du projet Agora
- la diversité des acteurs impliqués devra garantir un environnement économique plus stable, échappant aux aléas de la mono-industrie
- les premiers projets devront viser à provoquer une dynamique susceptible d'encourager d'autres intiatives dans l'esprit d'un développement durable.
D'ores et déjà, le programme Agora cherche à préserver l'identité et l'histoire du lieu, auxquelles les riverains se montrent particulièrement sensibles. Cette volonté d'entretenir la mémoire sociale et humaine du site de Métaleurop Nord se déclinera selon plusieurs axes :
- conservation et transformation en musée de la "Tour au Plomb", objet architectural emblématique du site
- intégration des nouveaux bâtiments dans le bâti historique, dans le respect de l'esprit et de l'histoire du lieu
- amélioration sensible du paysage : l'ancien terril et le nouveau confinement sécuritaire seront englobés dans un parc végétal ouvert au public.
La mémoire de ceux qui ont fait Metaleurop doit être conservée et mise en valeur. L'industrie de la fonderie est en effet indissociable de l'histoire de la région : elle gagnera à être entretenue et valorisée dans un "Musée des fondeurs".
Chacune des initiatives envisagée dans la troisième étape du projet Agora s'efforcera d'associer le patrimoine local à des projets innovants en matière d'environnement.
Le site de Metaleurop redeviendra ainsi un acteur économique majeur, tout en assurant un rôle de trait d'union entre passé et avenir, avec pour objectif de constituer un modèle de développement à l'échelle nationale et européenne.
Je pense que ce site pourrait devenir en quelques années une véritable « Environment Valley », comme on en a connu ailleurs avec l’électronique ou le plastique : une zone d’activités de pointe, ouverte sur des marchés en fort développement et un modèle pour la reconversion d’autres sites européens menacés par leur vétusté.