Un colosse au cœur tendre quitte la scène du recyclage
La nature l'avait doté d'une stature de colosse, tout en lui offrant une voix douce...
Né pendant la Première Guerrre Mondiale, en 1917, le 11 mars, il a vécu sa vie à la fois avec gourmandise et modération. Membre d'une des plus anciennes familles de France, cet aristocrate a pourtant et de manière atypique, excellé dans un métier traditionnellement pratiqué par des roturiers bénéficiant d'une autre forme de noblesse. Comte de son état, il s'est révélé être un Prince...
Depuis des lustres, les années semblaient ne plus avoir de prise sur lui... Comme si le compteur s'était arrêté. A telle enseigne qu'on aurait pu le croire éternel, immortel...
Mais ce mardi, ce fut le choc : le Président d'honneur de Federec, Gérard le Gouvello de la Porte, nous appelait en fin de journée, pour nous dire son grand regret de devoir annuler son prochain dîner, qui devait s'organiser pour fêter son 95ème anniversaire, nous annonçant également avec beaucoup de tristesse, un verdict brutal qui a suivi des analyses récentes : quelques mois, tout au plus... et il ne serait plus. C'est ce que la médecine lui avait asséné, sans autre forme de diplomatie, un peu plus tôt dans la journée, comme un coup violent porté à l'estomac. Un coup qu'il fallait digérer, avec une échéance difficile à laquelle il devait se préparer...
Seulement voilà, toute sa vie durant, Gérard le Gouvello de la Porte a préféré que les choses aillent vite...
Il m'avait régulièrement confié sa crainte quasi viscérale de la souffrance pouvant précéder la mort ; elle l'a prise doucement, comme respectueuse de cet homme d'exception. Il est parti serein, ce matin...
Spécialiste de la récupération des métaux, il a non seulement pratiqué le métier durant plusieurs décades, mais il en était fier : aussi, il a accepté bien volontiers de présider pendant des années, le Syndicat national des Métaux non ferreux de Federec avec honneur et bonheur, se posant volontiers en défenseur d'une profession souvent décriée, à l'époque... Son principal titre de gloire, à l'occasion de cette présidence, avait été d'obtenir la suspension de TVA sur les ventes de métaux non ferreux issus de la récupération, ce qui avait eu en son temps, un effet extrêmement bénéfique sur le fonctionnement et l'image de ce secteur d'activités.
Au demeurant, Gérard, qui en connaissait les coulisses sur le bout des doigts, n'était pas avare lorsqu'il s'agissait de conter les anecdotes, le plus souvent drôles, ayant ponctué l'histoire de la « récup' » de la belle époque... Que de fous rires j'ai vécus, par ce biais et au fil de toutes ces années, grâce à notre belle complicité...
Il en était si fier, de son métier, qu'il lui avait ouvert à maintes reprises, les portes du Jockey Club, un club très fermé où il aimait recevoir, dans le cadre de dîners fabuleux, ses amis qu'il aimait tant...
Nul doute n'est permis : pour ceux qui l'ont connu, il incarnait au sens propre, la noblesse d'une profession parfois mal considérée.
Il n'honorera plus de sa présence assidue, les assemblées générales de Federec, à Paris ou en régions, ni les Congrès du BIR, dont il n'a manqué quasiment aucune édition depuis que le Bureau International du Recyclage est né...
Non pas qu'il avait encore à y faire, mais parce qu'il considérait cette profession comme sa seconde famille.
Lui aussi, faisait partie de notre famille, celle que l'on se choisit et que l'on construit peu à peu avec ses véritables amis. Cet homme admirable en était membre à part entière : sa bienveillance extrême, son sourire charmeur, voire taquin, sa jovialité légendaire, sa belle humeur permanente, son appétit de la vie, tout autant que sa générosité de chaque instant, ne seront pas oubliés tant il nous a apporté de beaux moments qui resteront gravés à jamais...
Très attristée d'avoir appris son départ, à ses proches, la rédaction présente ses plus sincères condoléances.