Valorisation énergétique des déchets : quels enjeux ?
Transformer la biomasse issue des déchets en produits valorisables et en énergie propre, avec un bilan environnemental nettement positif : telle est l'ambition des travaux pilotés par l'unité de recherche "Gestion environnementale et traitement biologiques des déchets" du Cemagref à Rennes. Sur le site Internet de l'Institut, José Martinez (agrochimiste et responsable du projet) explique les enjeux de tels travaux et dresse un état des lieux...
José Martinez et son équipe (20 chercheurs, 10 techniciens et assistants, 12 doctorants et post-doctorants) conçoivent et développent des procédés de traitement biologique des déchets municipaux et sous-produits agricoles (effluents d’élevage) et agro-industriels (boues de station d'épuration). Leur recherche permet d'optimiser la gestion de ces déchets en intégrant des critères environnementaux, économiques et sanitaires.
En France, la production de déchets solides, actuellement estimée à 850 millions de tonnes par an, ne cesse de croitre. Source de nuisance pour l'homme et son environnement (pollution des sols, des eaux, de l'atmosphère), ces déchets constituent cependant un important gisement de biomasse pour produire de l'énergie, via des processus de dégradation de la matière organique. Cela concerne les ordures ménagères, les boues d'épuration, les effluents agroalimentaires, les déjections d'élevage et les résidus des cultures.
La valorisation de ces déchets ou sous-produits, qui sont sans utilité par définition, offre de fait une alternative intéressante à l’utilisation des biomasses d’origine marine, agricole ou forestière dont l’exploitation en termes de valorisation énergétique entre en compétition avec d’autres usages essentiels pour l’homme, au premier rang desquels figure l’alimentation. "En France, le taux de progression des énergies issues de la biomasse est plus faible que prévu ; il ne sera que de 45% d’ici 2020, au lieu des 70% escomptés. Pour atteindre l’objectif fixé de 23% de notre production énergétique en énergies renouvelables à ce même horizon, il est donc nécessaire d'accroître nos efforts et de diversifier les sources", indique le directeur de recherche.
Les déchets contiennent des quantités importantes de biomasse qu'il s'agit de mobiliser et de transformer en énergie (biogaz) et en molécules organiques à haute valeur économique grâce à des procédés technologiques innovants. L’enjeu des recherches menées au Cemagref consiste à coupler dans un même procédé la production de biogaz, d'éthanol et de nombreuses autres molécules présentant un intérêt économique avéré. En amont, les travaux consistent à optimiser les microorganismes pertinents et identifier les voies métaboliques de dégradation de la matière organique les plus efficaces. Ces travaux en laboratoire préfigurent la mise en place de phases expérimentales en pilotes semi-industriels, puis en démonstrateurs industriels pour tester en grandeur réelle la faisabilité opérationnelle des procédés.
"Afin de valoriser nos recherches, il faudrait développer de nouvelles filières industrielles de traitement et de valorisation des déchets, il faut changer de paradigme et passer de la notion de déchets à celle de ressource ! Les verrous sont à la fois d'ordre scientifique (comprendre les transformations et les orienter) et technologique (optimiser les rendements en vraie grandeur). Pour avancer, il faudrait mettre au point d'ambitieux programmes de recherche partenariale, alliant les compétences des meilleurs scientifiques et des industriels les plus performants du secteur", précise José Martinez.
L'organisation de l'ensemble des filières doit aussi permettre d'optimiser leur bilan environnemental. Les filières de collecte et les sites de production doivent permettre l'élaboration de substrats à haut potentiel énergétique et une adaptation des process à la nature des déchets. Les procédés doivent inclure le retraitement des sous-produits (digestats) pour assurer, principalement sous forme d'amendements agricoles, leur valorisation, et minimiser ainsi le stockage des déchets ultimes. "Des programmes de recherche en sciences économiques et sociales doivent enfin accompagner ces innovations en termes d’acceptabilité, de participation du public, tant ces aspects ne peuvent être dissociés de l’application des avancées technologiques", conclut le chercheur.
source : Cemagref