Vers une modification des règles du commerce international des déchets ?
La Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements trans frontières de déchets dangereux et de leur élimination a été imaginée, négociée, validée puis ratifiée afin notamment de réduire la circulation des déchets dangereux entre les pays. Il s'agissait tout particulièrement d'éviter le transfert de déchets dangereux des pays développés vers les Pays en développement. Ouverte à la signature le 22 mars, elle est entrée en vigueur le 5 mai 1992. Sur 166 États parties à la convention, seuls, Haïti et les États-Unis avaient signé mais n'ont pas ratifié cet accord. Les déchets non dangereux sont assujettis à ce texte, mais bénéficient de procédures de transferts transfrontaliers plus souples.
Depuis le 30 avril (et jusqu'au 10 mai prochain), les représentants de l'Union européenne et de 180 États sont réunis à Genève pour échanger afin d’améliorer la gestion du commerce mondial des déchets plastiques. Cette 14e édition de la conférence des signataires de la Convention de Bâle est organisée simultanément avec la 9e conférence des signataires de la Convention de Rotterdam et de la 9e conférence des signataires de la Convention de Stockholm. Durant cette session de la Triple COPs, des décisions majeures devraient être prises quant aux déchets plastiques, les DEEE, et les produits chimiques dangereux.
S'agissant des plastiques, on rappellera que selon les statistiques établies par les experts des Nations Unies, la production mondiale de plastique a progressivement augmenté pour atteindre les 320 millions de tonnes par an, que seuls 9% sont recyclés à l'échelle du monde, et qu'environ 100 millions de tonnes de plastique auraient fini dans les océans, dont 80 à 90% venant des territoires.
Dans une récente étude, des deux ONG GAIA et Greenpeace, on indique que les plus grands exportateurs de déchets plastiques en 2018, ont été les États-Unis, le Japon, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la Belgique.
Par ailleurs, la Chine a été le plus grand importateur de déchets plastiques au monde jusqu’à ce qu’elle décide de fermer les robinets, en instaurant des mesures strictes visant à interdire les importations de déchets en mélanges et ou mal triés, renforçant les contraintes sur son territoire, de qui a déstabilisé dès 2018, un marché de plus de 7 millions de tonnes annuelles. Après l’interdiction d’importation de la Chine, les flux de déchets se sont donc peu ou prou redirigés vers des pays moins réglementés, comme la Malaisie, le Vietnam et la Thaïlande, puis vers l’Indonésie, la Corée du Sud, Taïwan, l’Inde et la Turquie. Sauf que dans ces pays aussi, même si on y développe une industrie du recyclage, on commence à réfléchir à l'idée de restreindre les flux... Tel est le contexte global.
De manière plus particulière, en juin dernier, le gouvernement norvégien a proposé un amendement à la Convention de Bâle, visant à renforcer la réglementation en matière d'exportation de déchets plastiques ; cette proposition si elle était validée, créerait une catégorie spécifique pour ces déchets (qui sont pour l'heure, intégrés dans la rubrique plus large des déchets ménagers).
Cette proposition norvégienne avait été justifiée par ses promoteurs en mettant en avant que dès lors que les déchets plastiques entreraient dans le champ d'application de la Convention de Bâle, il serait plus aisé de contrôler les flux et transferts, ce qui aurait pour conséquence d'éviter des déviances et autres mauvaises gestion de ces déchets, le Gouvernement norvégien ayant précisé que son objectif est de lutter contre la pollution par les plastiques, de l'environnement, à l'échelle internationale.
Sauf que l'association professionnelle ISRI (Institut des industries du recyclage) n'a pas été longue à réagir : elle a pris une position radicalement différente, avec pour argument majeur que le recyclage constitue une partie de la solution pour lutter contre la pollution des océans par les déchets plastiques, et non une partie du problème. Des entreprises de recyclage qui travaillent à l'export ont emboité le pas, inquiètes à l'idée que la propositon norvégienne puisse entrer en vigueur : elle impacterait les exportations de déchets plastiques, qui ont déjà fortement baissé, sur un marché secoué en raison des restrictions chinoises et du sud-Est asiatique.
Toujours est-il que la convention de Bâle avait précédemment réuni un groupe d'experts chargés d'examiner les obstacles à une réduction significative des quantités de déchets plastiques marins ; dans le cadre de la convention internationale qui se tient actuellement, plusieurs stratégies visant cette réduction seront étudiées, étant entendu par ailleurs que l'ensemble de la conférence pourrait examiner un projet de résolution fixant différents objectifs à atteindre concernant ce sujet moteur.
Des réunions en cours, devrait déboucher un accord quant aux moyens à mettre en œuvre pour mieux réglementer le commerce international des déchets plastiques. Une chose est claire : si la proposition norvégienne devait emporter les suffrages, les exportateurs de matières plastiques post consommation (qui, même triées restent juridiquement des déchets) devraient préalablement notifier leur souhait d'exporter, obtenir l’autorisation de l’État importateur et fournir davantage d’informations quant aux volumes et types de déchets, que ce n'est le cas actuellement...