VHU et International Automobile Recycling Congress... So what?

Le 14/04/2014 à 15:39  
VHU et International Automobile Recycling Congress... So what?
VHU La 14ème édition de l'IARC, qui s'est tenue à Bruxelles en mars dernier a rassemblé plus de 220 professionnels venus du monde entier, lesquels ont, au cours de ces deux jours, échangé sur un thème central : le recyclage automobile. L'intérêt suscité par cette rencontre très spécialisée est bien évidemment à mettre en relation avec l’approche de l’échéance de 2015, pour atteindre 95% de valorisation des VHU... Olivier François, directeur du développement chez Galloo, était sur place ; il nous fait part de ses impressions et réactions...

La conférence internationale sur le recyclage des véhicules qui s’est tenue les 19 et 20 mars dernier, a captivé plus de 220 participants venus de partout dans le monde ; les européens étant motivés, en plus, par la prochaine échéance  de 2015. La directive fixe en effet un objectif de 95% de valorisation des VHU... On aura enregistré une forte mobilisation des constructeurs automobiles, venus nombreux afin de témoigner de leur travaux récents sur cette question du recyclage des véhicules, soit seuls, soit en collaboration avec des entreprises du broyage ou de la démolition : Renault, Daimler, VW, Toyota et BMW ont ainsi présenté les conclusions de cinq études de très hauts niveaux.
Après 14 ans, le sujet est donc loin d’être épuisé. Si l’inertie dans le domaine automobile est bien connue, plusieurs évolutions « extérieures » nous obligent à la plus grande vigilance :

La dématérialisation des objets, en relation avec l’irruption du véhicule électrique et de la pression pour la baisse des émissions de CO2 : la chasse au moindre kilogramme de matière …
Nous avons en effet une accélération d’évènements qui n’étaient guère prévisibles lors de la sortie de la directive VHU en 2000 :
 tout d’abord, cette montée en puissance irrésistible de la réglementation sur les émissions de CO2, qui contraint les constructeurs à faire la chasse à tout ce qui sort du pot d’échappement (quand il y en a encore un),
et ensuite, les conséquences de 8 ans de prix très élevés des matières premières qui ont coutés très chers à toute l’industrie manufacturière : c’est maintenant nous, l’industrie du recyclage, qui allons le payer, par une raréfaction de la matière entrant dans la composition des objets manufacturés.
Simultanés, ces deux effets se conjuguent et se traduisent par une chasse ouverte au poids, ou si vous préférez, à la matière. Par un double mécanisme de rareté des matières premières et de réduction des poids, nous assistons à une dématérialisation des objets qui me semble irréversible.
Deux études ont été publiées lors de cette IARC qui vont dans ce sens : une par BMW, et l’autre par Toyota, sur leurs nouveaux véhiculesVHU électriques ou hybrides : les teneurs en métaux que nous évaluons habituellement à 75%, tombent maintenant à 50-55% maximum !
Le grand vainqueur est « naturellement » le plastique : je dis ‘naturellement’, car il est la plupart du temps associé à des fibres naturelles (sisal, coco…), ou encore fibres de carbone, afin d’améliorer ses propriétés mécaniques (« matériaux biosourcés »). Cette nouvelle utilisation massive de cellulose dans les plastiques n’est d’ailleurs pas sans nous poser de graves problèmes de compatibilité avec les procédés de recyclage que nous avons déjà eu toutes les peines du monde à mettre en place !

La désappropriation par les nouvelles générations : Internet bouleverse les habitudes de consommation…
La possession des objets semble arriver à un point de retournement, peut-être consécutif à un effet de « gavage » de la société de consommation ?
La voiture n’est plus un objet de rêve : les TIC, oui.
Les générations se succèdent et les rêves changent : l’accession à la propriété d’une voiture était pour nos pères le symbole d’une prise de liberté, d’indépendance. Pour les jeunes aujourd’hui, ce n’est majoritairement plus le cas : ils sont plus impatients de disposer du dernier modèle de ‘tablette’, ou de ‘smartphone’, afin de communiquer avec leurs amis…
Internet : partage, co-voiturage
Et voilà encore un autre événement que nous n’avions guère la possibilité de voir venir en 2000 : Internet. Il change profondément les habitudes de consommation de la société : pourquoi « avoir » à tout prix un objet dont on a éventuellement qu’un usage occasionnel ? L’évolution du niveau de vie des jeunes ne leur permet guère d’empiler les objets, alors pourquoi ne pas partager ? Les réseaux sociaux explosent dans cette dimension qui va clairement dans l’intérêt des individus, mais pas dans celui des constructeurs.
Les conséquences de la réelle ou supposée « obsolescence programmée »
Si la désappropriation progresse rapidement, ce n’est pas seulement l’effet d’Internet et de la baisse des pouvoirs d’achat des jeunes générations : la frustration d’acheter un matériel qui tombera rapidement en panne et qui n’est pas réparable, produit aussi des effets sur le désir de « propriété ». Les nouveaux modes de consommation ne trouvent pas leur origine que dans les réactions du public, ils sont aussi ‘aidés’ par les producteurs.
VHUDans certains pays, en réponse à ces craintes, justifiées ou non, les machines à laver le linge ne sont plus vendues, mais louées. Le producteur se met ainsi à l’abri de cette accusation d’obsolescence programmée, puisqu’à tout le moins, il en assumerait alors les conséquences.
Le cas de Renault qui loue les batteries de puissance de ses véhicules électriques est ainsi à considérer : n’ouvre-t-il pas la voie à une accélération de la désappropriation ?
Et aussi la BMW i3, qui était mise à notre disposition pendant l’IARC 2014, nouvelle étendard de BMW en « tout électrique », dont le prix est aux alentours de 40.000€ : pour une « petite voiture » que faut-il en penser ? Un marché « classique », « mono-propriétaire », semble inaccessible à un tel prix… au contraire, un dispositif « collaboratif », « multi-utilisateurs », parait indispensable pour amortir un tel capital.
Ce qui nous orienterait donc vers « moins de voitures », mais des voitures à nettement plus haute valeur ajoutées ? Affaire à suivre…

L’économie circulaire : la fin du recyclage ? En tout cas, il faut poser la question, tant la matière recyclée semble faire l’objet d’intérêts divergents :
La REP, responsabilité élargie des producteurs
Saint-Gobain a été l’un des tous premiers à mettre en œuvre ce concept dans les années 90-91 lors de la création d’Eco-emballages : en effet, si un producteur est contraint de prendre en charge la fin de vie de ses produits, pourquoi n’en tirerait-il pas un avantage direct ? Surtout si l’objet est de nature telle que la boucle de « circularisation » est très courte : c’est le cas de la bouteille en verre.
L’économie circulaire mise en œuvre par un producteur pour répondre à ses propres besoin de matières premières est d’un effet redoutable pour la profession historique du recyclage, qui se trouve souvent « éjectée » de cette boucle courte.
De ce point de vue, l’automobile reste une activité à part, car elle nécessite une industrialisation que ne maitrisent pas les producteurs : mais soyons bien attentifs à tous les changements qui pourraient survenir rapidement sur ce plan. Un lieu de rencontres et d’échanges comme l’IARC est essentiel à cet égard, car ce qui se passe dans un pays, même éloigné, peut devenir un modèle qui s’impose à tous à une vitesse foudroyante.
Internet (de nouveau…) et le marché des pièces de rechange
Le congrès à Bruxelles a été de ce point de vue très éclairant, là aussi, sur l’évolution très rapide des pratiques en termes de « réemploi » : et là encore, Internet est un outil extraordinaire pour mettre en contact détenteurs de pièces de réemploi et utilisateurs, dans des proportions qui étaient inimaginables en 2000.
Les présentations d’Indra et d’ARA, Automotive Recyclers Association, des USA, ont été particulièrement convaincantes sur la montée en puissance de cette activité.
«  Et justement, tout n’est pas simple à ce sujet … qui me semble mériter une petite mise en parallèle, indique Olivier Fraçois :
Cela m’a en effet fait penser à une anecdote datant de l’invention du train au 19ème siècle : les manufacturiers de province voyaient enfin la possibilité de vendre à Paris leur production qui ne trouvait qu’un débouché local du fait des coûts de transport élevés : ce que les producteurs provinciaux n’avaient pas vu, c’est que le train va dans les deux sens, et ils se sont retrouvés à subir en retour la concurrence des prix des produits fabriqués massivement et industriellement à Paris, … et ils sont tous morts.
Internet va aussi dans les deux sens : les démolisseurs subissent d’ores et déjà la concurrence sauvage de vendeurs insaisissables sur des sites de vente en ligne qui offrent des pièces à des prix intenables par la filière « agréée »...

 

La fuite des véhicules hors d’Europe : c’est un problème qui prend des proportions de plus en plus inquiétantes : sous prétexte qu’il est impossible d’agir sur le marché des véhicules d’occasion, des épaves dans tous les états imaginables quittent l’Europe par millions et se soustraient ainsi aux exigences de la réglementation.
Nous avions déjà posé la question lors de l’IARC précèdent à M. Falkenberg, directeur général de l’Environnement à la Commission européenne : pourquoi ne pas imposer un contrôle technique récent comme condition à l’exportation d’un véhicule ? Après tout, cette règle s’impose à tous en Europe : il est impossible de vendre un véhicule sans contrôle technique. La réponse de M. Falkenberg avait été catégorique : impossible… l’Organisation Mondiale du Commerce ne l’acceptera pas !
Nous sommes donc dans une posture de faiblesse politique caractérisée : l’Europe a une grande ambition dans le discours pour la protection de l’environnement, mais dans les faits, elle se refuse à toute action pour les équipements qui quittent son sol. Se sont pourtantVHU les déchets de l’Europe qui partent ainsi…
Le paradoxe est que l’on entend de plus en plus parler de projet à la Commission européenne de protectionnisme pour interdire l’exportation des matières premières recyclées hors d’Europe, et que la même Commission reste incapable de penser sa responsabilité vis-à-vis de la question des équipements en fin de vie.
Cette situation est très grave pour toute notre industrie qui a massivement investit en biens d’équipements pour atteindre les objectifs fixés par la réglementation européenne, et qui se retrouve aujourd’hui en manque de matière à l’entrée des installations.

Que dire en conclusion? Depuis 14 ans que ce congrès se déroule : tout semble pareil, mais tout est différent : dématérialisation des véhicules, arrivée massive des plastiques, fuite des véhicules en fin de vie hors d’Europe, désappropriation des véhicules et partage/co-voiturage lié au développement massif d’Internet, qui pèse aussi sur le marché des pièces détachées : pour toutes ces raisons et pour toutes celles que nous n’avons pas encore vu venir, la prochaine fois, ne manqez pas l’IARC ! les 25 et 26 mars 2015, à Berlin.